1939-1945


Juan-les-pins  La petite station balnéaire connait un lent déclin dû aux restrictions et à l’absence des riches touristes étrangers. Les grandes soirées de fêtes disparaissent peu à peu avec les premiers jours du conflit jusqu’à la fermeture définitive du Maxim's.


 Nice  Le 6 octobre 1940 au Casino Municipal le rassemblement de la Légion Française des combattants annonce des lendemains douloureux.  Les Merry Boys avec leur nom Américain et leur musique Afro-Cubaine vont connaitre des moments difficiles. Ils se produisent au Perroquet pour le réveillon du jour de l’An 1940, à minuit ils jouent la Marseillaise, reprise en choeur par Maurice Chevalier et l’assistance debout.(1) Au cours de l'année 1941 l'orchestre change de nom sous la pression des autorités, il s'appelle Tomas et ses 10 virtuoses pendant quelques mois puis quitte Nice avec regret pour s'installer à Marseille. Le Perroquet ferme ses portes.


"Le petit niçois" janvier 1941
"Le petit niçois" mars 1941













Marseille   Malgré les restrictions et les privations, la vie culturelle marseillaise continue normalement, aux terrasses des cafés on peut trouver Raimu, Mouloudji, Edwige Feuillères,  7 films français sont tournés à Marseille entre 4O et 41 dont la Fille du Puisatier de Marcel Pagnol.  Les théâtres, les cinémas, poursuivent leurs activités.(2) Pour les cabarets une nouvelle réglementation apparait, l’Etat et les administrations régionales avaient réglementé sévèrement la musique populaire parce qu’elle s’identifiait, dans leur esprit, au symbole de l’oubli et de la négation du malheur. A Marseille le préfet F. Surleau : déclarait: «la France connait le malheur de la défaite : elle le supporte avec dignité... Il ne faut pas que nos populations puissent offrir l’apparence de l’insouciance ou de la légèreté alors que, j’en suis persuadé, elles participent au fond d’elle-mêmes à la commune douleur. Remettons donc à plus tard les ébats bruyants et les manifestations joyeuses». La situation évolua l’année suivante, un arrêté préfectoral du 21 mars 1941 autorisa de nouveau à Marseille les orchestres symphoniques dans tous les établissements publics, à condition d’exclure les terrasses, de ne laisser aucune place pour danser et d’exiger du public une tenue sombre ou noire de rigueur. La danse restait également interdite dans les cabarets. Depuis 1941, ils pouvaient employer des orchestres, des chanteurs de variétés et organiser des attractions sous réserve que le public reste assis et qu’il n’y ait pas d’espace pour danser. Il existait dix cabarets à Marseille en 1942, situés essentiellement près du Vieux-Port et de la Canebière. Ces établissements restaient ouverts jusqu’à minuit, ils étaient sévèrement contrôlés, en général par des inspecteurs de police en civil qui se présentaient comme des clients...
 
  Les spectacles de variétés et de music-hall permettaient de voir passer à Marseille toutes les vedettes des tournées commerciales organisées en zone libre : Charles Trénet, Mistinguett , Maurice Chevalier, Edith Piaf, Albert Préjean participa à une opérette de Marc Cab et Raymond Vincy, «A l’escale du bonheur», Yves Montand débutait à l’Alcazar.
L’opérette marseillaise, la musique de variétés, les orchestres de jazz dans les cabarets renaissaient donc progressivement à Marseille dans les mois qui suivaient la défaite.(3)
  Dans la cité phocéenne ce sont les  «Familles Corses» qui règnent sur le milieu de la nuit.
C’est au cabaret l’Embassy (rue Vacondirigé par les frères Guérini que les Merry Boys poursuivent leur carrière, l’accueil est chaleureux, autant par la direction que par les clients, Louis est rassuré, il peut subvenir aux besoins de sa famille, il s’installe bd de la Corderie non loin du vieux port.
Pendant un peu plus d’un an Madeleine fait les aller-retour en train entre Marseille et Saint-Laurent du Var.                                                                                                                                                           Le chef de gare, ami de Titin n’a jamais pu la dissuader de ne pas descendre du train en marche (le train ralentissait en gare de St-Laurent mais ne s’arrêtait pas) malgré le danger, Madeleine sautait du train pour éviter de se retrouver à la gare de Nice.

Le 8 novembre 1942  les Alliés débarquent en Afrique du Nord, le 11, la réponse  d’Hitler ne tarde pas, il décide d’envahir la zone libre, le 12 les troupes allemandes sont à Marseille. A partir de cette date, l’ambiance dans la cité se dégrade, les Marseillais  n’acceptent pas l’occupant sans réagir et les résistants commencent leur travail de sape.
L’orchestre doit composer avec ces nouveaux arrivants, le ton se durcit, les Nazis imposent de nouvelles lois, ils veulent interdire ces musiques de «nègre». A Marseille, ils connaissent les plus grandes difficultés pour imposer ces interdictions, tous les cabarets de la ville jouent ces rythmes Afro-Américains et Afro-Cubains. 
Les Merry Boys doivent franciser leur nom, ce nom Américain ne plaît pas aux autorités allemandes qui les accusent de propagande. Pendant quelques temps ils vont s’appeler "Tomas et ses Joyeux Garçons" 

Au cours de soirées à l’Embassy, Tomas avec sa verve habituelle d’animateur ne manque jamais une occasion de railler en nissart  les officiers allemands qui viennent dans le cabaret. Louis nous racontera bien des années plus tard qu’il n’en menait pas large derrière son piano chaque fois que Tomas se lançait dans ces «invectives humoristiques» sur les Allemands.

 1943: le service du travail obligatoire (S.T.O) est institué par Vichy, les volontaires Marseillais malgré un bon salaire ne sont pas assez nombreux, 3224 jeunes partent. L’Allemagne a besoin de plus de bras pour faire tourner ses usines, 14000 personnes sont enrôlées de force par les miliciens, aidés par quelques policiers zélés.(2) Louis est arrêté par les miliciens et conduit au commissariat de police, il a juste le temps de prévenir sa femme et son patron, le temps presse, Barthélémy Guérini dit Mémé qui fait partie d’un réseau de résistants intervient personnellement pour le faire libérer avec la complicité d'un fonctionnaire de police corse qui "oublie"de fermer à clé la cellule où Louis est enfermé.  Il ne se fait pas prier pour sortir et part rejoindre sa famille en Ardèche. Sur ces 17000 jeunes marseillais partis en Allemagne 2000 ne sont jamais revenus. La famille en gardera une immense reconnaissance envers les Guérini.

Saint-Laurent du Var  Cette année 1943 est terrible, la ville subit de nombreux bombardements, la cible est le Pont du Var, les Alliés veulent le détruire pour couper le ravitaillement aux Allemands en prévision du débarquement de Provence. 
Une bombe tombe à l’entrée de l’allée Pasteur où se trouve la «Villanette», à chaque alerte les enfants vont se réfugier chez le Docteur Colpart ami de la famille. C’est lui qui leur conseille d’aller en Ardèche, région plus calme où les paysans ne manquent de rien.
La décision est prise, Madeleine, Annette, Michèle, Jean-Jacques et Rosette la fille des
voisins partent en Ardèche, Titin reste seul avec son ami le chef de gare.

 Lapras  La famille s’installe dans une maison à la sortie du village,  Louis retrouve sa tribu et y reste quelques temps. Madeleine part en vélo à la recherche de nourriture et trouve une famille de paysans Mr et Mme Moins qui accepte de vendre les produits de leur ferme. Sa soeur Jeanne dite Mana qui vit à Paris vient les rejoindre, elle est accompagnée par une amie Juive d’origine américaine Mme Dora qui fuit les rafles organisées par les miliciens et les nazis, elle reste plusieurs mois à la maison avant de regagner les Etats-Unis.

Annette et J.Jacques à la gare de Lapras
Madeleine et Michou
La famille devant la maison

Rosette et Michou

         1) Alfred Hart dans la saga sur les Mogliano «Giotta» et «le Pont du Var» évoque plusieurs fois Louis et les Merry Boys. Les parents de Louis et la grand-mère de Giotta sont amis, originaires de Mondovi. Louis est ami d’enfance de Giotta (violoncelliste)
(2) "Marseille" Roger Duchêne Jean Contrucci (Fayard)
(3) "La vie intellectuelle et artistique à Marseille sous l'occupation 1940-1944"Jean Michel Guiraud

                                                                                                                                                                   A l’Embassy, l’orchestre sans son pianiste et arrangeur n’a plus la même qualité, les Guérini font le nécessaire pour que Louis puisse revenir travailler, «Les affaires sont les affaires».
Madeleine refait des aller-retour en train mais cette fois entre Lapras et Marseille.


Le samedi 27 mai 1944,  Louis raccompagne sa femme à la gare Saint-Charles, comme à chaque départ il lui porte sa valise jusque dans le compartiment, l’embrasse et redescend vers la sortie. Soudain, les sirènes retentissent et les premières explosions se font entendre autour de la gare, c’est la panique, les alliés ont décidé de frapper un grand coup, des centaines de bombes s’abattent sur le quartier. Les cheminots dirigent les passagers du train vers un abri, Madeleine qui cherche Louis part dans le sens opposé, Louis est revenu sur ses pas pour chercher sa femme, monte dans le train, ne la trouve pas mais reconnait la valise et la récupère.
Pendant ce temps, Madeleine choquée et paniquée sort de la gare et demande à un automobiliste de la raccompagner chez elle. Ils se retrouvent un peu plus tard soulagés et heureux d’être encore vivants,   ils apprendront le lendemain que beaucoup de marseillais sont morts et qu’une bombe est tombée tout près de l’abri où s’étaient réfugiés les passagers du train. Le bilan est lourd: près de 2000 morts et 1000 immeubles détruits. 


Le 15 août les alliés débarquent en Provence, Marseille est libérée une dizaine de jours plus tard, c’est l’allégresse dans les rues, les F.F.I défilent sur le vieux port. Un vent de liberté souffle sur la ville.




Le provençal 21/10/1944

             Ce soir au Pathé-Palace,                                                                                                                                   un Gala comme on en a jamais vu à Marseille,
           «La Grande Nuit du Jazz»
 présentée par Charles Boyer «par la porte d’or»                                                                                       Alex Alstone et dix vedettes, le ténor Otto Fassel                                                                                      et pour la première fois en France, La Chorale de l’Armée Rouge  
                     Défilé de Mannequins
 Nuit dansante avec Tomas et ses Merry Boys, Jam Session
 avec les meilleurs musiciens marseillais et alliés
 Article paru le 21 octobre 1944 dans le Provençal

   «La Grande nuit du Jazz et de la couture»                                                                                             avec les Merry Boys et les musiciens noirs américains                                                                                G Porumb (clarinette) V.M Butter (basse) J. Porubsky (accordéon)                                                Article paru dans V le magazine illustré du MLN de novembre 1944


Madeleine et Louis dans les rues de Marseille
la joie et le bonheur enfin retrouvés

   

Les Merry Boys défilent en musique place de la Bourse au milieu d'une foule en liesse

1 commentaire:

  1. Antoine Philippe14 avril 2013 à 01:17

    J'ai 78ans,que de souvenirs....merci Philippe
    (le petit fils de Louis Unia)de la part de Francine et Michel

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Fernand Jourdain et Louis Unia dans le studio d'enregistrement

Bienvenu sur ce blog qui retrace la carrière de musicien de mon grand-père Louis Unia. A travers lui, j'ai voulu aussi rendre hommage à...